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Gare aux Gares ! Photos Trains Histoires du chemin de fer
17 janvier 2015

Inde et Futile : Jaisalmer, Le théâtre doré

Jaisalmer la gare tôt le matin

Trois coups ont frappé.

Les trois derniers coups d’une longue série de sifflets. Répétitive composition de la machine du Jaisalmer Express.

 

Vous séchez la vase sur votre visage en posant un pied sur le quai. Le désert du Thar vient de souffler son air chaud rempli de poussières.

 

Vous vous étiez vautrés dans quelques bas-fonds de la planète. Jaisalmer l’imparfaite vous offre désormais sa gare en lever de rideau : pierres aux couleurs du pays, mouvements des vies –miséreux, commerçants…-, rickshaws, rabatteurs à la solde d’hôtels… Le décor est planté.

 

Pour une première scène, la porte du petit poste d’aiguillage s’ouvre en grand. Elle entame une réplique narquoise au ton monocorde, vous rappelle Saxby, susurre le quotidien à votre oreille.

 

Introduction inattendue. Mais attendez.

 

Voilà ! Vous vous noyez dans un balai de pierres aux couleurs d’or. Le soleil écrase chacun de vos pas. Jaisalmer s’exhibe en cité forte. C’est une danse de lumières au rythme des tambours, des pétards claquant leur indouisme à la face de la lune, des appels à la prière d’imams lointains battant la mesure d’une litanie orientale quand l’astre solaire se penche sur l’ouest. Nus, les dieux tapent sur leur ventre en rotant pour jouir encore dans leur orgie multimillénaire.

 

Les pierres des carrières environnantes scintillent sous votre nez pour y fourrer leurs odeurs de masala, de vaches, de tabac à chiquer, de pots d’échappements, de bheng lassi… Vous êtes en contemplation devant la scène des siècles. Les planches craquent sous les routes enlacées de l’opium et de la soie. Si la chaleur noie votre esprit, vous voyez cependant les caravanes de chameaux à l’assaut du désert et du temps.

 

Puis ce théâtre s’amuse avec votre esprit tourmenté. Il devient moqueur et absurde. La magie des répliques harmonieuses y côtoient les affres de l’existence. Il n’est de perfection apparente que dans le jardin d’un Lord Anglais. Ici, vous êtes en Inde. Des plats épicés brûlent votre œsophage après avoir caressé vos papilles. La symphonie du mendiant devient un art majeur qui s’octroie la beauté pour la mettre sur le trottoir.

 

Pour le dernier acte, Tilon-ki-Pol entre en scène. C’est un pont sur un chemin de pierres aux abords de la ville. Son histoire : Tilon, cocotte de luxe, a un jour trouvé les moyens d’idolâtrer Vishnu au fond de ses draps de soie. D’où cet ouvrage aux mœurs légères et lourd de sens. Deux solides piliers se joignent comme deux jambes écartées. Sur une clef de voute léchée par le temps, un avatar de la déesse vous fait les yeux doux.

 

Après être passé dessous, vous arrivez devant Gadi Sagar, un réservoir d’eau en plein désert. Une peinture de Jaisalmer… Un petit tapis bleu entouré de temples, donnant le bain à quelques pavillons suspendus.

 

Lorsque quelques nuages se hasardent à passer sur cette ville invraisemblable, chacun est libre de voir en eux la forme qu’il souhaite.

 

C’est sur cette fin ouverte que se ferme le rideau.

 

Suivant le rythme du wagon qui vous amène à nouveau vers la vie et ses ombres, le soleil se couche dans un incendie de sable et d’or.

 

Lorsque vous quittez cette pauvre prose érigée là en guise de gradins de fortune, vous pouvez garder cette image de Jaisalmer : Un théâtre doré.

 

 

Gadi Sagar

Gadi Sagar

 

 

 

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